MICHÈLE CIRÈS-BRIGAND
Pénélopes



Photos argentiques noir et blanc, 2000, 13 triptyques, 24x28cm chaque photo
J’ai pris mon père en photo. Souvent et sur toutes les coutures. Pour retenir le souvenir du père tailleur sur mesure, Hommes et Dames. Je l’ai vu coudre des journées entières et des nuits. Petite fille, j’allais acheter les coupons de tissu. Quand il travaillait la nuit, le lendemain matin, j’étais épatée. Il avait transformé le tissu en vêtement. J’ai pris mes amies en photo. Elles m’ont dévoilé les secrets de leurs boîtes à couture. J’ai suivi de près l’aiguille qui se faufilait entre les doigts et le tissu. Couture faisant, elles m’ont raconté des histoires qui se sont perdues dans l’épaisseur de l’ouvrage. Moments délicats, chargés de retenue et d’abandon, d’histoires uniques et pénélopiennes, drapés de dérisoire et d’incommensurabilité. Pénélope tisse et défait. C’est l’histoire de l’attente. Pénélope attend le retour d’Ulysse qui attend de revenir. C’est l’histoire de l’éloignement, de la distance, de la séparation, de la confiance, du contrat partagé, du possible et de l’éternel retour.